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Société des bibliophiles de Guyenne
16 juin 2010

Edition d'Horace, Firmin-Didot, 1855

À propos de : Horace Quinti Horatii Flacci Opera, cum nouo commentario ad modum Johannis Bond – Paris, ex typographia Firminorum Didot, 1855. 

  

Au milieu du XIXe siècle, la réputation de la maison d’édition Firmin-Didot n’est plus à faire. Entreprise familiale, elle a vu succéder à Firmin Didot (1764-1836) son fils Ambroise. Passionné de philologie classique, ce dernier a écrit dans sa jeunesse une étude remarquée sur les éditions aldines, et aimait à lire dès le jeune âge les grands auteurs anciens dans des éditions portatives qu’il emportait partout avec lui. 

 

Il n’est donc guère surprenant qu’il ait déployé toutes les ressources de l’art typographique au profit d’un des poètes latins les plus illustres, Horace, qui écrivit sous le règne d’Auguste. Exécutant là un projet qu’il médit depuis son enfance, il publie en effet en 1855 une édition en petit format (in-16) des œuvres complètes de ce poète. Le texte latin n’est pas traduit, mais entouré de gloses et de commentaires dus au savant anglais Bond (1ère éd. de ce commentaire : 1606), avec une révision effectuée par l’Allemand Dübner.

 

Cette édition est saluée par les principaux bibliographes. Brunet, dans son Manuel du libraire, la décrit ainsi dans les termes suivants : « Charmante édition présentant un excellent texte, un commentaire latin rédigé avec autant de savoir que de goût par M. Dübner, une vie d’Horace en français par M. Noël des Vergers, une préface intéressante de M. Ambroise-Firmin Didot. Le volume est décoré d’un joli frontispice et de vignettes pour chaque livre, par M. Barrias, et en outre les vues de ces campagnes, dessinées sur les lieux par M. Bénouville ».

 

Cette description succincte livre un bon aperçu des principaux attraits de l’œuvre.

 

Il y a d’abord la typographie : dans une émouvante adresse au lecteur, Ambroise Firmin Didot déclare qu’il s’agit là de son adieu et la typographie : « Maintenant que nous sommes heureusement secondés par nos fils, qui bientôt vont nous remplacer dans notre longue carrière, c’est comme adieu à la typographie, si chère en tout temps à notre famille, que nous donnons notre édition d’Horace ». Force est de reconnaître la netteté des caractères et la beauté de la mise en page, qui contient un texte dense mais agréable à lire.

 

Vient ensuite l’appareil critique et exégétique : une vie d’Horace précédant l’ouvrage est écrite par Noël des Vergers, le propre gendre d’Ambroise ; le commentaire linéaire de Bond dont nous avons déjà dit un mot confère également une certaine valeur scientifique à ce livre.

 

Parlons aussi de l’illustration : outre le frontispice représentant une apothéose du poète, des vignettes dessinées par Barrias, un ami de la famille, ornent chaque en-tête de livre. À cet égard, il existe deux versions de l’ouvrage : l’une, dont le texte est encadré de filets noirs, comporte des gravures reproduites au moyen de la galvanoplastie ; l’autre version, dont le texte est encadré de filets rouges, comporte ces mêmes gravures reproduites au moyen de la photographie, « cette merveille de ce siècle », pour reprendre les mots d’Ambroise Firmin-Didot dans sa préface. La version ornée de photographies est vendue le triple de la première (30 francs contre 10). Il s’agit d’un des premiers ouvrages décorés de photographies à être publié en France. Il convient enfin de signaler quelques exemplaires de très grand luxe, tirés sur papier de Chine.

 

Un dernier facteur qui rend cet ouvrage digne d’intérêt pour le bibliophile d’aujourd’hui est sa reliure : comme cet ouvrage entrait dans la catégorie des livres de bibliophiles (il n’est que de voir les estimations données par Brunet, Vicaire ou Rahir dans leurs manuels), il a effectivement très souvent été habillé d’un plein maroquin par les ateliers les plus renommés de l’époque (Lortic, Smeers, par exemple).

 

Après l’Horace, deux ouvrages seront publiés par Didot dans le même esprit : un Virgile, en 1858, et un Anacréon, en 1864, formant ce que les catalogues de la firme d’édition appelleront la « Collection elzévirienne ».

 

Pour aller plus loin : A. Jammes, Les Didot. Trois siècles de typographie et de bibliophilie. 1698-1998, Paris, 1998, surtout les p. 63-65, n° 135-138


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Commentaires
R
Je partage avec vous l'enthousiasme pour cette édition si précieuse. Merci de lui avoir consacré cette page.<br /> <br /> Quelques réflexions au fil de l'eau d'un bibliomane presque monomaniaque:<br /> <br /> - Sourions, Brunet est bien complaisant; rappelons-nous qu'il est employé par A Firmin-Didot lui-même, qui lui verse une rente viagère en échange de ses notes et de sa 4e édition du Manuel. Cela n'enlève rien au charme de l'ouvrage.<br /> <br /> - Salué à l'exposition universelle de 1855, cet Horace alliait au classicisme de son contenu, si apprécié au 19e, la modernité d'une réalisation de l'industrie triomphante et la virtuosité du typographe. Une vitrine pour AFD.<br /> <br /> - Les ateliers Lortic , relieur si apprécié d'AFD, avaient réalisé cette reliure "d'éditeur" en maroquin disponible en différentes teintes avec fleurons central doré de dessins variés également. Reliure dite "antique" au prix de 50 Frs. <br /> <br /> - Les exemplaires brochés avec une couverture beige et le titre en caractères épigraphiques empruntés à l’Imprimerie impériale et fondus quelques années auparavant d’après des inscriptions antiques de Nîmes, sont rares à trouver.<br /> <br /> - Des différences subtiles entre les émissions photographiques (éditions à filets rouges) concernant la mise en page ou le dessins des fleurons sous les titres existent. S’il y a bien eut deux compositions distinctes du texte, il est difficile de déterminer si leur tirage s’est effectué en même temps ou consécutivement. Le succès de l'édition a peut-être amené les Didot a recomposé l'ouvrage, pourquoi pas en profitant de la lancée du Virgile de 1858 puis de l'Anacréon de 1864. Hypothèse. <br /> <br /> - Au milieu des années 60, l'affadissement net de certaines des photographies de l'Horace étaient déjà noté, allant aujourd'hui jusqu'à l'effacement parfois. Curieusement, celles de certains exemplaires sont exceptionnellement bien conservées, particulièrement, pour ce que j'ai pu constater, dans les exemplaires mixtes, comportant à la fois les photographies des charmants dessins de paysages de Benouville et les gravures de Barrias. Là encore, un tirage des photographies, postérieur à 1855 a-t-il été réalisé ? Un amateur spécialiste de la photographie ancienne me disait que les photographies de l'Horace sont sur papier salé, celles du Virgile sur papier albuminé.<br /> <br /> - Dernière question en vrac: quel atelier a réalisé ces photographies ? Le Jammes est muet là-dessus. Les ateliers Didot eux-mêmes ?<br /> <br /> Appel aux autres amateurs monomaniaques de cette curiosité bijou !<br /> <br /> Raphael
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